Au mois d’octobre, nous avons assisté au lancement de la bande dessinée des Gueules Rouges – enfant de la mine au musée des Gueules Rouges à Tourves.
L’inauguration
Nous avions réservé notre bande dessinée à l’avance suite à une prévente. Lors des vingts ans de l’association Gueules Rouges, nous étions invités à la remise en main propre de la bande dessinée Gueules Rouges – enfant de la mine, au musée des Gueules Rouges. Lors de l’inauguration de lancement, pendant le discours du Président de l’association des Gueules Rouges, Monsieur Benjamin Constans, j’ai vu un mineur se tournait vers une plaque où se trouvait la photo de Maurice Constans créateur de l’association et du musée et être très ému. Oui beaucoup de mineurs étaient présents, comme toujours, pour cette bande dessinée qui racontait leur histoire. C’est là que m’est venue l’idée de consacrée un article spécial aux gueules rouges après avoir écrit celui du musée.
Lors de cette inauguration, nous avons pu revoir le musée, profiter des bons amuses-bouches du traiteur « Atelier des gourmets » (De Touves) qui nous ont permis de patienter avant de faire signer notre bande dessinée par l’un des dessinateurs Jeff Baud et scénariste Eric Stoffel.
La Bande dessinée Les Gueules Rouges – enfant de la mine
La bande dessinée « Les Gueules Rouges » a eu pour projet d’être un support de mémoire mais aussi une autre manière de montrer l’histoire des gueules rouges. (Pour rappel, les mineurs étaient surnomés ainsi car à cause de la Bauxite qu’ils extrayaient, ils se retrouvaient couverts de cette couleur rouge). Il faut savoir qu’un grosse collecte d’informations a été faite auprès des mineurs, des associations des Gueules Rouges et celle de l’Histoire Populaire Tourvaine. L’histoire se base sur des faits réels qui ont touchés les mineurs gueules rouges mais aussi ceux qui se sont battus pour le musée, pour cette reconnaissance de l’histoire des Gueules Rouges. Il a fallu également trouvé les personnes qui pourraient porter ce projet. Eric Stoffel connait bien le sujet de la Provence puisqu’il est de la région Provence Alpes Côtes d’Azur et a été le scénariste des bandes dessinées consacrées aux ouvrages de Marcel Pagnol. L’éditeur de cette bd est idées + passion bd.
Vous pouvez trouver cette dernière au musée des Gueules Rouges à Tourves, ainsi qu’à la Fanc, Cultura pour le prix de quatorze euros.
L’histoire Les Gueules Rouges – l’enfant de la mine
La bande dessinée « Les Gueules Rouges enfant de la mine » commence en 1929, le jour des douze ans de Jules. Jules sera mineur comme son père. Pour son anniversaire, ce sera son premier jour en tant que mineur. Puis, au fil des pages, vous pourrez vous plonger dans l’histoire des gueules rouges du Var. Vous vivrez les aléas de la vie de mineur, vous grandirez avec Jules et verrez tout ce qu’il a vécu en tant que gueule rouge. Cela va de l’extraction de la Bauxite, de gravir les échelons de postes, de vie de famille de mineur. Vous pourrez également trouvé un passage sur la construction du musée.
Pour que cette bande dessinée soit encore plus liée à la réalité, nous pourrons y voir : César, Aldo, Eugène, Max, Alain, Maurice, Antoine, Paul, Lucien, Patrick, Raoul et Jules 😉
Je reprendrais juste les mots du Président des Gueules Rouges, monsieur Benjamin Constans : « Jules, c’est un peu de chacun d’eux et par héritage un peu de nous. »
Témoignage de Gueules Rouges
Nous ne pouvions pas finir cet article sans laisser place aux gueules rouges à leurs témoignages. Merci à Jérémy Bionda de m’avoir aidé à récolter trois témoignages de mineurs.
Patrick :
Suite au décès de mon papa, mineur, afin de subvenir aux besoins de la famille, je suis rentré à la mine le jour de mes 16 ans, en 1969, pour devenir à mon tour mineur. Quand je suis rentré, on faisait les 3 postes, la mine tournait en continu. 6h-14h ; 14h-22h ; 22h-6h. On pouvait tour à tour se retrouver sur le poste du matin, de l’après-midi ou de nuit. Les quotas de production par chantier étaient répartis sur 24h, ce qui nous permettaient une organisation entre nous : Le poste du matin faisait le gros de la production ; Le poste de l’après-midi faisait presque tout autant, ce qui laissait le poste de nuit, le plus fatiguant, avec le moins de production. Ce système n’aurait pas pu exister sans la solidarité des mineurs. Au salaire venaient s’ajouter certaines primes, par exemple sur la productivité, et notamment une prime que nous appelions une « prime anti-grève », puisqu’elle était versée aux ouvriers présents. Si on faisait grève, la prime sautait. Les risques étaient grands au fond de la mine, mais les séquelles sont grandes aussi, jambes cassées, colonne vertébrale fracturée… toutes ces séquelles peuvent rester. Le mouvement ouvrier était très fort dans les mines, tous les avantages en termes d’horaires, de salaire, de primes, de congés, etc. ont été possibles seulement parce que les mineurs se mobilisaient afin de défendre leur métier et leurs avantages. Le principal syndicat était le syndicat des mineurs du Var CGT. Les premières revendications que j’ai connues ont commencé en 1973, lorsque Pechiney, entreprise majoritaire, annonce son développement à l’international, ce qui laissait supposer une remise en cause de la pérennité des mines de bauxite en France. 1973 a été un tournant dans les luttes syndicales minières. Les luttes ont continué pour tenter de préserver les emplois. L’ouverture d’une nouvelle mine et la construction d’une nouvelle usine d’aluminium dans les années 80 nous ont laissé entrevoir des espoirs, malheureusement vite balayés, jusqu’au 4 décembre 1986, le jour de la Sainte Barbe. Ce jour-là, se faisait l’annonce : « Fermeture définitive et totale du bassin minier ». Les luttes ont été très fortes et très dures à partir de 1986, avec certains coups d’éclat, mais n’ont pas permis de sauver les mines.
Raoul :
Je suis rentré à la mine de Pélicon (Brignoles) en 1950. J’ai commencé comme manœuvre aux côtés d’un ancien prisonnier de guerre. Son métier d’origine était maçon, mais il a pu être libéré des prisons d’Allemagne s’il venait travailler à la mine. Et après l’armistice, il est resté mineur. C’était un vrai, il connaissait le métier sur le bout des doigts. Ensuite j’ai passé plusieurs mois avec des boiseurs, pour étayer la mine et éviter les effondrements. Par la suite je suis resté 6 mois avec des boutefeux (chargés des explosifs). Après ça, j’ai enfin pu devenir mineur, et être en charge d’un chantier. Pendant mes congés, plutôt que me reposer, j’allais à l’école des mines d’Alès. Le fait d’avoir côtoyé tous les corps de métiers, et l’école des mines m’a permis de rapidement gravir les échelons, et me retrouver chef d’équipe. Les mineurs subtilisaient du matériel explosif au fond de la mine pour s’en servir à la surface, pour s’amuser. A bord du bus qui nous ramenait au village, ils allumaient des petites quantités, et les faisaient péter le long du chemin. Un fermier nous avait demandé de l’aide, il souhaitait enlever un arbre sur son aire, et nous avait demandé si on ne pouvait pas le faire sauter à l’explosif. On a ceinturé l’arbre, on a placé, enfoncé des explosifs sous le cep. Lorsqu’on a fait sauter, l’arbre a dû monter à 3 ou 4 mètres de hauteur. Mais la déflagration avait fait sauter toutes les vitres des maisons avoisinantes. Les gens sont allés se plaindre en mairie, « d’où vient cette explosion ? ». Évidemment, c’était la faute des mineurs. On n’avait pas conscience du danger à l’époque, et tout ça a été rendu impossible par l’arrivée des amorces électriques. On ne pouvait plus faire péter d’explosif avec un dispositif électrique, pas aussi facilement. Très rapidement j’ai été confronté à la mort d’un des ouvriers sous ma responsabilité. Il a franchi une zone barrée au niveau inférieur du niveau où il travaillait, pour voir le minerai disponible lui permettait de tenir, ou s’il devait faire un nouveau coup de mine. Il a été pris sous un placage. J’ai été très marqué au point de ne plus vouloir encadrer d’équipe. Le directeur m’en a dissuadé et m’a conforté dans ma position. Ce n’était pas ma faute, même si à l’époque je me sentais responsable. J’ai par la suite été envoyé dans une autre mine, puis dans une autre. J’ai fait 10ans à la mine d’Engardin (La Celle), puis au Thoronet, avant de me retrouver à Mazaugues. Au cours des différentes mines, j’étais intraitable sur la sécurité, il ne fallait pas qu’un câble traine, qu’une planche soit fêlée, les ouvriers me surnommaient « Monsieur sécurité ». C’était pour leur bien, et je préférais ça plutôt qu’un accident se produise.
Maurice :
Mon père était mineur, je connaissais déjà beaucoup de la bauxite, j’allais à vélo enfant voir le carreau, les machines, j’ai toujours été intéressé par ce milieu. A la suite d’un accident, mon père est devenu gardien de la mine de Saint Julien (La Celle). De mon côté je suis rentré à la mine pour être dans la mécanique. Quand je suis rentré, les mines étaient déjà en train de fermer après les annonces de fermeture de 1973. A mon entrée on m’a dit « Vous en aurez pour 10ans maximum. Au final avec les mouvements ouvriers, et la prolongation de l’activité, j’ai tenu 20ans. Pour mes débuts j’ai ressenti la solidarité des mineurs, j’ai été reçu comme si je connaissais déjà tout le monde. J’ai très vite été mis à l’aise. Pendant plusieurs années j’ai effectué la maintenance des engins. Soit il s’agissait de petites réparations, je le faisais sur place au fond, et pour des gros dégâts, on remontait l’engin à l’atelier au jour. Suite à un accident, en 1980, j’ai été positionné au laboratoire d’analyse, en tant que laborantin. Les usines de Marseille fermaient, et nous n’avions plus de laboratoire d’analyse. Il fallait donc le faire sur place. Un service a été créé. J’ai été formé à l’usine des Arnavaux, pendant les 6 derniers mois de leur production avant fermeture. Ça a été pour moi une expérience extraordinaire, j’ai très vite intégré les principes, j’étais curieux de nature, j’avais facile à intégrer les notions. L’après fermeture a été délicate, pour se réinsérer dans le milieu professionnel. Beaucoup de réinsertion dans la maçonnerie, la mécanique, certains ont passé le permis poids lourd. Une usine nouvellement installée dans le secteur autour de Brignoles recherchait du personnel, notamment d’anciens ouvriers de mine, et recherchait un laborantin. Après une formation à leurs côtés, j’ai pu entrer dans l’entreprise. Malheureusement, 2 ans plus tard, l’usine fermait, et je me retrouvais de nouveau au chômage. Ma fin de carrière a été difficile, j’ai fait plusieurs métiers, avant de finalement être à la retraite.
Si j’avais un mot de la fin à noter serait pour moi qui ne suit pas Tourvaine mais curieuse de l’histoire des villes où l’on habite, je suis contente d’avoir pu partager leur histoire, leur mémoire à travers cet article.
Merci les Gueules Rouges !
Une réflexion sur “BD Gueules Rouges, enfant de la mine”